mardi 12 avril 2022

La souveraineté économique : l'autonomie stratégique par l'édification de fédérations sectorielles et un patronat unis et forts.


Cheikh Mbacké SENE, Expert en intelligence économique, 
Doctorant au School of Business and Economics Atlantic International University (USA) 

L'appel du Chef de l'Etat SEM. Macky Sall pour une souveraineté alimentaire est une piqûre de rappel de ce passage obligé pour atteindre l'émergence. Les progrès infrastructurels - aussi importants qu'ils puissent être - ne suffisent pas à entériner l'émergence d'un pays si les questions économiques et alimentaires restent en suspens. La pandémie du Covid 19 et la conjoncture internationale émanant de la guerre en Ukraine ont conduit au premier plan les questions de souveraineté alimentaire et économique.

Après avoir expliqué dans ma précédente tribune que l'enjeu de la souveraineté alimentaire en appelle impérativement à une réflexion plus globale, laquelle va au-delà de la seule question de la sécurité et de l'autosuffisance, j'en viens à la souveraineté économique convaincu de la double inhérence plus que de la relation corrélative entre celle-ci et celle alimentaire. Mais là encore il faut de la prudence dans l'approche. Le problème du Sénégal est plus une question de souveraineté économique qu'alimentaire. Une fois qu'on est convaincu de cela, il conviendrait de se pencher sur la question du contenu à mettre dans la souveraineté économique, suite à l'entendement très déterminant par rapport à l'atteinte des objectifs potentiellement recherchés.

Sous un angle littéral, la souverainetééconomique devrait logiquement conduire à un retour vers une autarcie économico-financière. Seulement, cette approche mercantiliste conduirait sans équivoque le pays hors du système économique international. Une impasse économique qui, en définitive, serait contradictoire aux objectifs de souveraineté économique réellement recherchés.


Une "autonomie stratégique" pour éviter le piège de l'autarcie économique de l'autonomie économique 


Dans un monde moderne où le commerce inter-États est souvent le salut de la survie économique, l'autarcie au sens stricto sensu est en déphasage. L
’autonomie stratégique, version moderne de l’autarcie, est une approche intermédiaire et ad hoc, qui permet de contourner les risques de la souveraineté économique tel que le mercantilisme, pour ne pas dire l’obsessionpour le déficit de la balance commerciale. 

Ce qui reste à considérer et qui sert de base pour ne pas verser sur des challenges utopiques est de se rendre à l'évidence de quelques réalités et de s'en appuyer pour une stratégie plus efficace. Comprendre d'abord qu'aucun pays ne possède la totalité des ressources dont il a besoin, et qu'il doit donc accepter une forme de dépendance. Une dépendance raisonnable naturellement ! Et ça aussi pour la réussir, il faut un minimum d'efforts endogènes. Ce à quoi correspond l'appel du Chef de l'Etat, à savoir renforcer la création de valeur par la production et productivité locale. Depuis 2012 pour ne pas dire 2000, le Sénégal a activé les leviers de base lui permettant de pouvoir procéder à une réinvention - ne serait-ce que partielle - de son économie. Le levier le plus efficace se trouve du côté des réformes structurelles, puis au niveau d'une politique d'aide ciblée (ou de protection). Si la première a été enclenchée au Sénégal et porte déjà ses fruits, la seconde ne trouve pas de terreau pouvant lui servir de réceptacle pour la simple raison que les secteurs sont peu ou pas du tout organisés. Difficile d'apprécier convenablement un secteur pour identifier les vrais besoins, mettre en place une politique et apprécier son coût.

Une aide publique (ou une protection) n'entretient pas éternellement un secteur, peut se justifier temporairement si elle permet de descendre le long de la courbe d’expérience, de se moderniser, d'emprunter un raccourci pour combler un gap. On aura beau théorisé, mais les belles expériences économiques à travers le monde ont démontré que les secteurs peu ou pas organisés ne peuvent être pris en charge et tirés vers le haut. 



La souveraineté stratégiquepasse par l'édification de fédérations sectorielles et un patronat unis et forts.

Des secteurs forts et un patronat uni sont gages de progrès multidimensionnels pas seulement dans la création de valeur, mais dans la réflexion et les conditionnements des politiques sectorielles, industrielles, dans la formation professionnelle, l'employabilité des jeunes, mais aussi dans la création d'emplois. Les fédérations sectorielles peuvent valeureusement se positionner en organes ressources pour les politiques publiques, en clusters boosters, en passerelles professionnelles pour les jeunes, en organes consultatifs pour l'État pour les besoins précités et dans le cadre même de la continuité de la convention Etat-Employeurs. Au Sénégal, plusieurs secteurs sont sous exploités, plombés à la base par un défaut de vision, de politique sectorielle, de manque d'organisation et de soutien. Ce que réussissent la Fédération sénégalaise d'électricité (Feselec) ou encore l'Organisation des professionnels des TIC (Optic) - s'inspirant du modèle marocain - sont très rares au Sénégal. Et là encore deux associations plus structurées ne suffisent point pour disposer d'un patronat fort et organisé. Ni le Mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS)ou encore le Conseil national du patronat (CNP).Dire encore que le chemin est encore long. Long mais pas impossible. Les secteurs et filières doivent s'organiser avant que l'État ne décide de les accompagner ou non.

vendredi 8 avril 2022

Souveraineté alimentaire : l'enjeu en appelle impérativement à une réflexion plus globale, qui va au-delà de la seule question de la sécurité et de l'autosuffisance.

Cheikh Mbacké SENE, Expert en intelligence économique, 
Doctorant au School of Business and Economics
Atlantic International University (USA) 


L'appel du Chef de l'Etat SEM. Macky Sall pour une souveraineté alimentaire est une piqûre de rappel de ce passage obligé pour atteindre l'émergence. Les progrès infrastructurels - aussi importants qu'ils puissent être - ne suffisent pas à entériner l'émergence d'un pays. La pandémie du Covid 19 et la conjoncture internationale émanant de la guerre en Ukraine ont conduit au premier plan les questions de souveraineté alimentaire et économique. 


Pour un pays comme le Sénégal, l'enjeu est important si l'on sait que la production locale à tous égards reste très faible et le recours à l'importation permet au pays de couvrir l'essentiel de ses besoins, des produits les plus vitaux à ceux de moindre importance. Avant de revenir sur la question, il importe de souligner que le contexte actuel donne largement raison au Président Macky qui, depuis 2012, insiste sur la nécessité du dopage de la production locale en général et l'autosuffisance alimentaire en particulier. Il a également insisté sur le "Consommer local" plutôt que "manger importé". La hausse des importations alimentaires qui représentent une facture importante et croissante et qui fragilisent non seulement les filières locales, étouffe les finances du pays, contraignant assez souvent ce dernier à lâcher du lest sur la fiscalité (en pensant à l'importateur), à renforcer la compensation et à recourir à l'endettement (en pensant au consommateur). Là, il est venu aussi l'heure de se pencher véritablement à la structuration de systèmes alimentaires territorialisés tant dans la productivité que dans les circuits de distribution parce qu'il est question d'assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires.

Dans la réflexion ambiante, l'on est amené à se poser la question du contenu à donner à la souveraineté économique avant la souveraineté alimentaire. Autant on peut penser que la marche vers la souveraineté alimentaire est entravée par le défaut de souveraineté économique, autant on se rend compte que la première peut aussi - avec les correctifs qui s'imposent - aider à tirer la seconde vers la  réussite du challenge. Une relation corrélative avérée dans les deux sens qui en appelle impérativement à une réflexion plus globale, qui va au-delà de la seule question de la sécurité et de l'autosuffisance alimentaire. 

Cheikh Mbacké SENE
Expert en intelligence économique
Doctorant au School of Business and Economics
Atlantic International University (USA) 
 

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