jeudi 29 octobre 2020

Prise en charge des jeunes : Réflexions sur l'orientation stratégique 2021-2024

Cheikh Mbacké SENE, Expert en Intelligence économique,
Veille & Communication sensible

Quel que soit le gouvernement qui sera mis en place, le Président de la République mettra au cœur de sa politique la jeunesse. Pour ce faire, il devrait prendre en considération certains paramètres et aspects et en déconstruire d'autres. 

L'une des préoccupations majeures actuelles du continent africain est la prise en charge de sa jeunesse. Si les alertes du Printemps arabe (depuis la Tunisie), aussi les mouvements des APE, l'émergence des mouvements comme « Y'en a marre », « balai citoyen », « Flimbi » et « Lucha »... ou encore la prolifération des départs par la mer de l'émigration clandestine n'ont pas suffi à faire prendre conscience de la précarité des conditions de vie des jeunes, l'on craint que le prochain signal soit trop fort et très coûteux pour les foyers africains. L’heure est aux politiques de rupture qui placent au centre la jeunesse avec une prise en charge sincère, ingénieuse et efficace. Les efforts réels et sincères du Président Macky Sall en la matière ont été parfois plombés par certaines tares qu’il importe de prendre aujourd’hui au sérieux et de les gommer.  

 

Déconstruire deux perceptions/ idées reçues

L'Etat ne fournira pas à tout monde un emploi, mais devra garantir un cadre propice à la création et contribue à la valorisation des compétences et des savoir-faire. Voilà une réalité que les familles sénégalaises doivent intégrer dans leur perception et discours prodigués aux jeunes qui arrivent. Et ce, sans rappeler qu'il doivent aussi garder la foi en leur pays et ne jamais être pris au découragement, quelle que soit la situation. Au-delà de la responsabilité et du devoir que les gouvernants doivent avoir, il faudra avant tout aller en croisade contre cette hypocrisie inclusive de la classe politique et ces politiques du mépris qui creusent la distance entre eux et le peuple.

 

Rompre avec la politique des chiffres qui ne convainc point face au factuel. La réalité est là, les constantes exponentielles des indicateurs n'ont jusqu'à ce jour jamais eu l'impact palpable sur la vie des sénégalais et dans le panier de la ménagère. Il sera difficile de convaincre les jeunes à croire aux lendemains meilleurs avec un pétrole qui crée déjà un bruit que le pays n'a jamais connu. Globalement les jeunes aiment Macky Sall mais fustigent certains points de sa politique  et bon nombre de "ses hommes". Au Président de la République de comprendre les cris latents de la jeunesse eu égard aux  différents mouvements d'humeur pour redresser la barre, en mettant non seulement les gens qu'il faut à la place qu'il faut, mais en réévaluant tous les fonds mis en place depuis 2012 au profit des jeunes. Avec une bonne politique de prise en charge et une approche inclusive point besoin d'avoir mille fonds. Un seul suffit et l'efficacité inclusive sera au rendez-vous à l'horizon 2024.

 

Revoir l'approche de la politique des jeunes, de l'emploi et de l'entrepreneuriat.

Les échecs retentissants des différents programmes d'appui aux jeunes (parce qu'il faut oser le dire) témoignent de la maladresse et de l'inefficacité des approches et stratégies mises en place. Il faut arrêter de nous mentir, rompre avec la politique de l'Autriche et faire face aux réalités, en sincères hommes politiques et sincères patriotes. Le financement de 1000 projets de jeunes ne signifie pas pour autant qu'il s'agit d'une réussite dans la prise en charge, en termes de création d'emplois et de valeur, si les start-ups en question ne sont pas encadrées durant la période d'incubation et aidées dans l'accès au marché. Au bout de 3 ans, pas moins de 70% disparaîtront, emportant parfois avec elles la foi du jeune entrepreneur à l'entrepreneuriat, au marché et même à l’Etat. Ce dernier englué dans des dettes ou ruiné n'est point en mesure d'honorer les remboursements à ce "crédit" censé être revolving et servir aux autres jeunes. La culture entrepreneuriale doit désormais être au cœur de l'éducation (nationale) avec une approche anglo-saxonne qui séduit déjà certains de nos jeunes qui ont décidé de vivre en parallèle au système national (parce que disant ne plus rien attendre des autorités). Il n'est pas trop tard, si l'État change de fusil d'épaule et rappelle que le Sénégal est « un seul projet de société » et que le moindre jeune a sa partition à y jouer. Ce qui renvoie à la question de confiance aux jeunes. Il faut aussi arrêter de décider à leur place et d’accoucher des politiques qui ne leur parlent point. 

 

Faire confiance aux jeunes ! 

Le passage de témoin pourrait être un rendez-vous raté. L'Etat, de par sa technostructure actuelle vieillira et aura du mal à se renouveler convenablement (parlant de compétences aigues). Les jeunes émigrent légalement ou clandestinement et la fuite des cerveaux sera encore plus criarde.  Avec un écosystème repensé qui offre des possibilités d'épanouissement professionnel et de réussite aux jeunes, le Sénégal pourra faire de l'émergence une réalité. A défaut, les failles de la politique de jeunesse n'accoucheront que des engrenages socio-économiques et politiques nuisibles à la stabilité du pays et aux progrès technologiques et scientifiques.

 

Ne plus décider pour les jeunes, et les laisser décider par eux-mêmes, en les intégrant directement ou indirectement dans les processus, saurait résoudre le tiers de la problématique de leur prise en charge. Au Sénégal, le Président Macky Sall n'a pas manqué de volonté dans la prise en charge des jeunes. Les multiples initiatives sont là pour en témoigner. Toutefois, les réalités semblent aller à la contradiction des chiffres pour un tableau qui devait refléter une certaine cohérence et une certaine efficacité réelle. Même le Président de la République lui-même ne comprend point ce déphasage entre les chiffres et la réalité du terrain.

 

L'approche reste imparfaite. S'arrêter, analyser, écouter, corriger  restent des impératifs auxquels l’on ne saurait déroger pour mieux repartir. La jeunesse mérite et doit avoir une attention particulière. Toute l'attention est nécessaire, parfois même au détriment de certains secteurs ou autres considérations. Épanouis, les jeunes peuvent être efficaces pour prendre le relais et perfectionner encore l'écosystème qu'on aura construit pour eux. L'investissement le plus sûr, pour tout pays, est celui consenti sur sa jeunesse.  

 

Faire confiance aux jeunes c'est aussi savoir et oser leur donner des marchés jugés « inaccessibles » (politique de préférence nationale) qui les contraignent à tirer leurs compétences et leur niveau de responsabilités vers le haut. Il est temps que les PPP, les écosystèmes sectoriels, les projets structurants...bénéficient en premier et en grand pourcentage aux entreprises sénégalaises pour leur viabilité durable, la  création et la sécurisation des emplois et du savoir-faire local.

 

Il faut réfléchir avec les jeunes à créer des cadres en phase avec leur génération (leur état d’esprit), et orientés "nouveaux métiers du monde", en s'employant à aiguiser leur curiosité et à cultiver leur créativité et leur sens de l’innovation. Les jeunes sénégalais d'aujourd'hui sont prédisposés au progrès technologiques et scientifiques du Monde et à son rythme d'évolution. Il faut savoir les encadrer et les conduire à l'éclosion.

 

On peut se réjouir d'avoir en la personne du Président Macky Sall, un Chef d'Etat à l'écoute de son peuple, qui a compris l'urgence de corriger la politique nationale et de replacer les jeunes au cœur de ses préoccupations. Mettons nous tous ensemble autour de lui, pour construire - à travers un seul projet de société -, un Sénégal  nouveau, fort et émergent.

 

mercredi 7 octobre 2020

Les trois défis majeurs de l'économie sénégalaise.

  

Cheikh Mbacké Sène*, Expert en intelligence économique, 
et analyste économique


L'économie sénégalaise est confrontée aujourd'hui à trois défis majeurs. Au-delà du double challenge de la relance économique et de la maîtrise des finances publiques, le Sénégal doit opérer des réformes structurelles pour arrimer convenablement son économie aux nouvelles donnes (probable nouvel ordre économique post-covid et une économie de rente axée sur le pétrole et le gaz). La question est de savoir comment gérer le caractère urgent d'une relance et réussir à relever convenablement le triple challenge. Comment conjuguer réformes structurelles et conjoncturelles?

Jusqu'ici le Sénégal a fait preuve de résilience et de maîtrise de la crise économique pandémique, lesquelles lui ont permis - sans aucun doute - de ne pas concéder une décroissance assez lourde (considérant que la projection de 0,7% reste toujours très positive en termes de performances). 
Pour expliquer la résilience de l'économie sénégalaise, plusieurs paramètres peuvent être avancées : l'actif solide des performances économiques de ces dernières années en dynamique constante (entre 2014 et 2018 le taux croissance a toujours été supérieur à 6%), le programme d'auto-suffisance alimentaire dont les prémices ont été senties, mais aussi le programme de résilience économique et social (PRÈS) précité et budgétisé à hauteur de plus de 1000 milliards de Fcfa, qui est venu en appoint pour servir d'anti-chute à l'économie. Un chapelet d'approches qui rassure sur la ligne directrice de la politique économique du Président de la République Macky Sall.

Le défi de la relance économique : le PAP 2A ou de la suite ingénieuse dans les idées.

Le Plan d'Action Prioritaire (PAP 2) du PSE réajusté avec le PAP 2A avec une orientation qui nécessite 14 712 milliards  de Fcfa  (dont 4700 milliards attendus du secteur privé) n'est pas "une simple retrouvaille", mais une suite logique sinon plus ingénieuse du PAP1. Il s'agit là des moyens à la fois de se révéler du "ressac économique" et de parachever la dynamique d'émergence dans laquelle le pays s'est inscrit depuis 2012. Les projections économiques de 5,2% en 2021, de 7,2% en 2022 et 13,7% en 2023 restent du domaine de l'accessible, mais sur la seule base de l'efficacité du PAP 2A, des performances pétrolières et gazières (avec les mises en service de Sangomar et Ahmeyin), de l'accélération de la cadences des performances agricoles (faire progresser entre autres la valeur ajoutée agricole au PIB) et le tout cumulé avec la rigueur dans la gestion des finances publiques (budget programme)...
Autant il faut saluer et se solidariser avec le plan de relance économique, autant il faudra se poser toutes les bonnes questions et voir, par rapport à l'orientation stratégique de l'économie nationale, si tous les paramètres inhérents aux nouvelles donnes précitées ont été pris en compte.
 
La nécessité d'une réforme structurelle plus qu'une réforme conjoncturelle

Plus le Sénégal souhaiterait aller vite dans l'exploitation pétrolière et gazière, plus il sera urgent d'opérer des réformes structurelles au niveau de son économie. Même si ce sont les réformes conjoncturelles qui auront un impact à court terme sur l'économie (pour corriger les anomalies causées par le Covid), il importe de préciser que ce sont les réformes structurelles qui permettront au pays de s'inscrire dans une dynamique de croissance durable. L'idée étant d'aller vers une politique de transformation profonde des structures de l’économie pour les rendre plus adaptées aux évolutions du monde (économie post-covid) à la nouvelle configuration économique éventuelles du pays... L'Etat devra s'appuyer sur trois instruments : une nouvelle politique de réglementation de l'écosystème en agissant directement sur les prix, le droit, le marché, les banques..., une nouvelle dynamique industrielle (refonte ou accélération de la politique industrielle, restructuration de l'appareil productif national) et en troisième point réfléchir à une politique sociale qui vise à garantir une protection sociale et  réduire les inégalités (de nouvelles formes de solidarité). 
Par ailleurs, les ajustements conjoncturels (à mener avec prudence) permettent, quant à eux, de maintenir le déficit du Sénégal aux alentours de 6 % du PIB comme prévu dans la loi de finances rectificative 2020. Mais le vrai challenge à ce niveau est de revenir à un déficit budgétaire de 3 % du PIB d’ici 2022, conformément au critère de convergence de l’UEMOA. Et ce, pourvu que la situation se normalise. L'Etat devra aussi trouver un moyen de stimuler l’investissement public, assurer le renforcement de l’emploi, le soutien du financement, ainsi que sur l’élaboration de stratégies sectorielles dédiées aux secteurs à la fois stratégiques et les plus touchés.
La question est, pour résumer ce chapitre, de savoir comment combiner la relance économique et les réformes structurelles de sorte à rester dans le bon tempo et sur les mêmes objectifs et projections économiques durables.

La maîtrise des finances publiques

A l'image de la plupart des pays du monde, la crise du Covid a fortement dégradé le budget public du Sénégal (et chaque nouvelle mesure de résilience entraîne un dérèglement financier supplémentaire qu'il va falloir juguler après). La récession a affaibli les finances publiques de la plupart des pays de l’OCDE. Les plans de relance, la contraction des rentrées fiscales, un chômage élevé : tels sont quelques-uns des facteurs qui ont abouti à des niveaux historiquement élevés de déficit et d’endettement des administrations publiques.
Avec un solde budgétaire estimé en déficit à 741,2 milliards de FCFA (1,111 milliard d'euros), à fin juin 2020 contre un déficit de 469,1 milliards de FCFA (703,650 millions d'euros) à la même période de l'année 2019, selon les données établies par la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), le Sénégal reste un pays à la merci de de la non maîtrise de ses finances. Endetté à hauteur de 9.563 milliards FCFA en décembre 2019 (devenu le seuil est fixé par le Fonds monétaire international), l'Etat devra devra s'atteler à un assainissement budgétaire et commencer par contracter les charges de la compensation qui constituaient une des grandes sources des déficits élevés des années précédentes. D'autant plus que la situation du Covid-19 avait tronqué les prémices des résultats de l'adoption du budget programme (à l'issue de l'an 1).
L'Etat devra aussi opérer une politique d'austérité (qui ne dit pas son nom) en soustrayant de ses dépenses classiques certains budgets que l'on pourrait qualifier de "luxueux". La mise en pratique stricte du budget-programme pourrait aider car elle sous-tend (en l'état des contraintes qui viennent des critères de convergence de l'UEMOA) des règles d'or que l'Etat du Sénégal se serait fixés : ne point avoir le droit d'un déficit structurel supérieur à 3% du PIB national. Pour ce faire, il faudra une trajectoire des soldes structurels qui encadre les règles de dépenses pour l'ensemble des administrations publiques. 

En ré-installant le pays dans les meilleures prédispositions par la réussite de ces trois défis majeurs, et en prenant en compte l'état d'esprit et l'approche post-covid des références économiques (bailleurs, grandes puissances et partenaires financiers et commerciaux),  le Sénégal pourra se targuer de la réussite d'un des virages économiques les plus importants de son histoire. Si le Président Léopold Sédar Senghor faisait référence dans le "rendez-vous du donner et du recevoir" aux aspects socioculturels, force est de noter qu'il s'agit aujourd'hui avant tout d'aspect économique. Effectivement, le seul rendez-vous qui vaille est celui économique. Mais ce rendez-vous est d'abord avec le Sénégal lui-même, qui par les réformes structurelles, se taille une économie à la hauteur de ses ambitions et de sa nouvelle dimension (énergétique) avant d'être un rendez-vous avec les autres. Naturellement, l'effacement de la dette tout comme la rigueur budgétaire y joueront un rôle d'allégement sans commune mesure.

   
* Cheikh Mbacké SENE est également conseiller technique au Ministère de l'Urbanisme, du Logement et de l'hygiène publique, et Chef de la cellule communication, veille et intelligence économique de la Direction générale de la Construction et de l'Habitat.

La veille et l'intelligence économique au service de l'action publique.

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